Collaboration fructueuse avec l’AEWA : Le Projet RESSOURCE pérennise les acquis dans la région du Sahel

Article rédigé par l'Unité de coordination du projet RESSOURCE de la FAO pour la MOP8 de l'AEWA

Bonn, 21 septembre 2022 - Aujourd’hui, des millions de personnes dans le Sahel continuent de dépendre des zones humides et des oiseaux d’eau pour leurs revenus, leur alimentation et leur identité culturelle. Ces riches écosystèmes fournissent des services essentiels aux communautés locales : les zones humides sahéliennes sont en effet le siège d’importantes activités économiques, agricoles et pastorales, contribuant ainsi à soutenir les moyens de subsistance de millions de personnes.

Ces zones humides stockent du carbone, retiennent la plupart des eaux douces et en améliorent la qualité. Elles hébergent également une riche biodiversité, en particulier des millions d’oiseaux d’eau, dont de nombreux migrateurs paléarctiques mais également de nombreuses espèces afro-tropicales sédentaires ou migratrices au gré des variations saisonnières de la pluviométrie.

Cependant, les changements climatiques, les aménagements hydro-agricoles et l'exploitation intensive des ressources naturelles menacent ces habitats fragiles. Une diminution radicale de l’ordre de 40 pour cent des populations d'oiseaux d'eau a été constatée dans la région entre 1960 et 2000. Si les oiseaux d'eau venaient à disparaître de cette région, de nombreuses communautés rurales seraient privées d'une précieuse source de protéine, et l’équilibre de ces zones humides en serait menacé.

Il est donc essentiel que les zones humides et les populations d’oiseau d’eau soient gérées de façon durable.

© FAO/Bruno Portier

L’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA), conclu le 16 juin 1995, à La Haye a pour but de soutenir la conservation à long terme des espèces d’oiseaux d’eau migrateurs et de leurs habitats sur l’ensemble de leurs voies de migration.

Du 26 au 30 septembre 2022 à Budapest, Hongrie, la 8ème session de la Réunion des Parties à l'AEWA (MOP8) rassemble l'ensemble des Parties contractantes de l'AEWA et des partenaires, y compris des représentants d'autres traités internationaux, des organisations non gouvernementales internationales et nationales ainsi que des experts de la communauté scientifique.

Le slogan officiel de la MOP8 - Renforcer la conservation des voies de migration dans un monde en mutation - traduit la nécessité pour les Parties à l'AEWA d'utiliser cette MOP et de prendre des décisions collectives afin d'assurer des ressources plus importantes pour la mise en œuvre et l'exécution de l'Accord, en ces temps particulièrement difficiles où les problèmes mondiaux urgents liés au changement climatique, à la perte de biodiversité et à la modification des priorités, notamment en raison de l'impact de la pandémie de COVID 19, se font sentir. Le renforcement de la conservation des voies de migration ne peut se matérialiser qu'avec un financement durable, une conformité et une mise en œuvre accrue.

«Les espèces couvertes par l’AEWA dépendent d’habitats favorables pour se reproduire mais aussi d’un réseau de sites gérés durablement pour leur permettre d’effectuer leurs migrations annuelles entre les zones de reproduction et celles d’hivernage» explique M. Jacques Trouvilliez, Secrétaire exécutif de l’AEWA. «C’est pourquoi une coopération internationale à travers l’ensemble de leur aire de répartition, telle que l’assure l’AEWA à travers ses 82 Parties contractantes, est cruciale», ajoute-t-il.

Lancé en 2017, le Projet RESSOURCE coordonné par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et cofinancé par le Fonds français pour l’environnement mondial et l’Union européenne, vise justement à relever les défis auxquels sont confrontés les communautés rurales, les oiseaux migrateurs et leurs habitats en Égypte, au Mali, au Sénégal, au Soudan et au Tchad.

Les activités du projet, en particulier l’appui aux dénombrements internationaux d’oiseaux d’eau, le développement des capacités, et le renforcement des cadres légaux et institutionnels, contribuent directement à la réalisation de nombreux objectifs du Plan d’action de l’AEWA pour l’Afrique (2019-2027) (PoAA 2019-2027).

Dénombrer pour mieux conserver

Des dénombrements périodiques réguliers et standardisés sont essentiels au suivi de la ressource, puisque les données acquises permettent de suivre dans le temps et réévaluer les effectifs globaux et l’état de santé des populations d’oiseaux d’eau concernées.

Depuis le début du Projet RESSOURCE en 2017, 20 413 enregistrements issus des dénombrements d’oiseaux d’eau ont été formatés, validés et stockés dans une base de données spécialement développée pour le projet. Plus précisément, un total de 3 433 674 oiseaux ont été comptés.

«Les sites les plus vastes sont échantillonnés par transects aériens, permettant de réaliser des analyses selon des méthodes statistiques (distance sampling) et d’obtenir des abondances extrapolées à l’échelle de zones qui ne pourraient jamais être couvertes autrement» explique Clémence Deschamps, Chef de projet à l’Institut de recherche de la Tour du Valat. 

 

© Hichem Azafzaf

L’important travail de vérification et de validation des données de dénombrements est une étape indispensable pour garantir la fiabilité des informations communiquées aux scientifiques, aux gestionnaires et aux décideurs. Les données sont mises à disposition des gouvernements, qui les transmettent à Wetlands International, partenaire du Projet RESSOURCE, contribuant ainsi à évaluer les tendances des populations d’oiseaux d’eau sur le long terme et à identifier les zones humides d’importance internationale selon les critères de la convention Ramsar.

Le développement d’une expertise nationale et locale, au cœur de l’action

Convergeant dans la même direction que le PoAA 2019-2027, lequel reconnaît le rôle important que jouent les communautés locales dans la conservation des oiseaux d’eau, le Projet RESSOURCE met tout particulièrement l’accent sur le renforcement des capacités nationales et locales.

«Le projet et ses partenaires ont formés plus de 150 professionnels des administrations nationales, des ONG et des communautés locales sur, notamment, l'identification des oiseaux d'eau, les techniques de dénombrement et le suivi des prélèvements, mais aussi la collecte et le traitement des données et la gestion et la conservation des zones humides sahéliennes» explique Bruno Portier, Coordonnateur du Projet RESSOURCE à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

De nombreux outils développés par le projet soutiennent ce transfert de compétences, tels que le guide ornithologique Les oiseaux d’eau dans le delta du fleuve Sénégal – Petit guide de détermination et de dénombrement ainsi que le guide « Les espèces végétales à caractère envahissant dans le delta du fleuve Sénégal – Savoir les reconnaître et intervenir ».

© FAO

La finalisation d’un MOOC intitulé «Identifier et dénombrer les oiseaux d’eau d’Afrique du Nord et du Sahel: Comment et dans quels buts?» constitue également une avancée majeure du Projet RESSOURCE en matière d'enseignement à distance. Cette formation en ligne, qui sera gratuite et ouverte à tous, est un outil de formation largement accessible qui permettra à un nombre illimité d’apprenants d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances, et d’obtenir un certificat une fois la formation complétée avec succès.

Ce MOOC, dont le lancement est prévu pour début 2023, totalisera plus de 35 heures d’apprentissage réparties en six modules. Animé par une équipe d’experts et de formateurs internationaux reconnus pour leur expertise dans la région du Sahel, il proposera des dizaines d’animations et de vidéos, des milliers d’images d’oiseaux d’eau et 210 fiches ‘espèces’ pour l’identification des oiseaux d’eau sahéliens, ainsi que des quizz d’entrainement et d’évaluation.

Restaurer et préserver les zones humides

Le maintien d’habitats favorables est primordial pour la préservation des oiseaux d’eau et guide la mission conjointe de l’AEWA et du Projet RESSOURCE.

Le projet travaille au renforcement du statut de protection des zones humides. Au Soudan, grâce au travail collaboratif entre le Projet RESSOURCE, l’administration soudanaise de la faune sauvage et les communautés locales, le Delta intérieur de Khor Abu Habil a officiellement été désigné comme une zone humide d’importance internationale au titre de la Convention de Ramsar.

© Office français de la biodiversité/Alizé Chiappini and Camille Barbé

Le projet expérimente également la culture du nénuphar dans le delta du fleuve Sénégal, une activité génératrice de revenus respectueuse de la nature, afin de restaurer les zones humides et valoriser les savoirs traditionnels. Les communautés utilisaient traditionnellement cette plante sauvage comme source d’alimentation et pour ses vertus thérapeutiques. 

L’objectif est de transformer des rizières abandonnées et les convertir en plans d’eau naturels propices à la culture des nénuphars. «Le Projet RESSOURCE cherche à appuyer les populations riveraines des zones humides pour restaurer ces écosystèmes naturels où la ressource va être cultivée et profitera aussi bien aux humains qu’aux oiseaux migrateurs» explique Seydina Issa Sylla, représentant d’OMPO au Sénégal.

Les efforts du projet ont porté leurs fruits. «Non seulement le nénuphar nourrit et soigne, mais il se vend très bien. Le kilogramme de nénuphars est passé de 2000 à 5000 francs en un an (2021)» explique Fambeye Diop, cultivatrice de nénuphars du village de Débi (Sénégal).

Renforcer les cadres juridiques et institutionnels

«C’est par l’intégration aux politiques nationales des engagements pris par les États qui ont ratifié les accords sur la conservation des zones humides et des oiseaux d’eau, notamment AEWA et Ramsar, que les efforts et acquis du Projet RESSOURCE seront pérennisés» explique M. Trouvilliez.

Afin de fournir un accès facile à l’arsenal juridique des pays où le Projet RESSOURCE opère, ainsi qu’aux analyses sur la mise en œuvre de la Convention de Ramsar et l’Accord AEWA, l’équipe a développé et publié en ligne des plateformes juridiques (celles du Mali, du Tchad, du Soudan et du Sénégal sont déjà disponibles ; celle de l’Égypte est en cours de finalisation). «Nous espérons que ces plateformes juridiques pourront mieux informer l’ensemble des acteurs et parties prenantes intéressées et ainsi déclencher des processus participatifs de réforme législative» explique Eugenio Sartoretto, conseiller juridique à la FAO et coordonnateur des activités du volet institutionnel et juridique du Projet RESSOURCE.

 


1 Le Projet RESSOURCE signifie «Renforcement d’expertise au sud du Sahara sur les oiseaux et leur utilisation rationnelle en faveur des communautés et de leur environnement». Cofinancé par le Fonds français pour l’environnement mondial et l’Union européenne, le Projet RESSOURCE est la composante sahélienne du Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme), une initiative de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP).    

 

 

 

Dernière mise à jour le 22 September 2022

Type: 
News item
Pays: 
Chad
Egypt
Mali
Senegal
Sudan
Region: 
Africa
Threats: 
Climate Change
Ecological interactions and habitat change
Habitat loss and degradation
Agriculture and aquaculture
Species group: 
Birds