25 ans de l'AEWA - Déclaration de Jacques Trouvilliez, Secrétaire exécutif de l'AEWA

Il y 25 ans, j’étais aux Pays-Bas, à La Haye plus précisément, en tant que délégué français, afin de finaliser le second tour des négociations du traité de l’AEWA.

Il y avait 146 participants en tout, des représentants issus de 64 États de l’aire de répartition, ainsi que de nombreux observateurs. C’était une semaine intense de travail, avec des discussions en plénières et dans les couloirs. La plupart d’entre nous ont fini épuisés malgré les pauses café. Les Pays-Bas accueillaient cette réunion officielle, après plusieurs réunions informelles. Je souhaiterais rendre hommage Gerard Boere, du Ministère néerlandais (également un ornithologue enthousiaste) pour tous ses efforts couronnés de succès. Plus tard, il sera nommé par le Comité permanent président d’honneur de l’AEWA, en reconnaissance de son engagement. Après cela, j’ai quitté la conservation des oiseaux d’eau pour d’autres postes, y compris dans l’économie forestière, la recherche et en tant que conseiller politique en charge de la biodiversité auprès du gouvernement français, pour revenir à l’AEWA en tant que Secrétaire exécutif en juin 2014, pour mon plus grand plaisir.

Mon but ici n’est pas de revenir sur l’histoire de l’AEWA (vous trouverez cela dans un autre article publié sur ce site web), mais je souhaiterais profiter du 25ème anniversaire afin de partager une perspective plus personnelle.
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Le traité de l’AEWA peut paraître complexe au premier abord, avec le texte de l’Accord, son Plan d’action légalement contraignant et les tableaux comportant les données sur le statut de conservation. Mais en fait, c’est un texte moderne. Son périmètre géographique a été établi sur la base de faits biologiques, les voies de migration utilisées par les oiseaux d’eau, des cigognes aux oiseaux de rivage, englobant 119 États de l’aire de répartition, soit plus de la moitié des pays du monde. Afin de garantir que les mesures prises soient pertinentes, le niveau de la population (et non le niveau de l’espèce) a été choisie comme unité pour la collecte de données, permettant une analyse de leur statut et agissant sur le terrain grâce à des Plans d’action internationaux par espèce pour celles étant le plus en danger. Tous les trois ans, la Réunion des Parties révise le statut juridique de plus de 500 populations des 255 espèces d’oiseaux d’eau, afin de pouvoir réagir rapidement à toute modification et garantir une meilleure conservation et une utilisation durable. Sa mise en œuvre est basée sur les meilleures connaissances scientifiques et sur le travail d’un Comité technique dédié.

Le principal objectif de l’AEWA est de protéger les oiseaux d’eau tout le long de la voie de migration d’Afrique-Eurasie. Progressivement, de nombreux outils ont été développés : des directives sur de nombreux sujets, dont les énergies renouvelables et le suivi des oiseaux d’eau, pour n’en citer que deux ; des plans d’action internationaux pour les espèces en danger d’extinction et, plus récemment, un Mécanisme d’examen de la mise en œuvre. L’ADN de l’AEWA est clairement l’innovation et les partenariats, rassemblant non seulement les autorités gouvernementales, mais également toutes les parties prenantes, des grandes ONG aux partenaires locaux. Même les États de l’aire de répartition n’étant pas encore Partie à l’AEWA sont invités aux Réunions des Parties, non seulement en tant qu’observateurs, mais également, par exemple, afin de jouer un rôle actif dans la mise en œuvre des plans d’action par espèce.

À la demande de certaines Parties et conformément au texte de l’Accord, l’AEWA élabore progressivement des plans de gestion pour certaines espèces, la première étant l’oie à bec court en 2012, utilisant pour la première fois dans la voie de migration d’Afrique-Eurasie, le concept de gestion adaptative. Il ne s’agit pas d’un changement de politique globale de l’AEWA, mais d’un développement complémentaire. Nous continuerons de travailler en priorité pour la conservation des espèces les plus en danger mais, grâce à l’expérience et à la confiance bâties au fil des ans, il est temps à présent de garantir une utilisation durable et d’entrer dans une ère de la gestion centrée sur la science pour les espèces pouvant être chassées, dont certaines ont encore de grandes populations, mais sur le déclin, et dont d’autres causent des dommages non seulement aux exploitations agricoles, mais également aux habitats, tels que les prairies ou la toundra. Plus tôt nous nous confrontons à ces sujets, plus nos chances d’atteindre nos objectifs seront grandes.

De 2006 à 2010, l’AEWA, accompagné de nombreux partenaires, était engagé dans l’un des plus grands projets à l’échelle d’une voie de migration, le projet Wings over Wetlands (WoW) pour la voie de migration d’Afrique-Eurasie, financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Ce projet innovant a donné lieu à de nombreux outils de pointe dédiés à la mise en œuvre de l’AEWA : l’Outil de réseaux de sites critiques, ainsi qu’un Kit de Formation Voie de migration, utilisé pour le renforcement des capacités lors de nombreux évènements de formation en Afrique et en Eurasie.

À présent, l’AEWA est partenaire du projet RESSOURCE, mené par l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et soutenu par l’UE et le FFEM français, visant à renforcer nos connaissances des oiseaux d’eau utilisant les grandes zones humides de la région du Sahel, qui s’étend du Sénégal à l’Égypte. Le projet RESSOURCE améliorera nos connaissances, non seulement du suivi des oiseaux d’eau et de la gestion des zones humides, mais également (et cela est nouveau) de l’impact de l’utilisation des oiseaux d’eau par les communautés locales. Le travail pluridisciplinaire fait également partie de l’ADN de l’AEWA. Ainsi que l’Afrique. Le Plan d’action pour l’Afrique, adopté en 2012 et révisé en 2018, fournit de solides directives pour la mise en œuvre du traité sur ce continent.

Le nouveau Plan stratégique de l’AEWA pour 2019-2027 détaille nos ambitions en cinq objectifs :

  • Renforcer la conservation et le rétablissement des espèces, et réduire les causes de mortalité inutiles ;
  • Garantir que toute utilisation ou gestion des populations d’oiseaux d’eau migrateurs est durable tout le long des voies de migration ;
  • Établir et maintenir un réseau cohérent et exhaustif de voies de migration dans les zones protégées et gérées et sur les autres sites ;
  • Garantir une quantité et une qualité suffisantes d’habitats dans l’environnement, et
  • Garantir et renforcer les connaissances, les capacités, la reconnaissance, la sensibilisation et les ressources nécessaires afin que l’Accord atteigne ses objectifs de conservation.

Le Secrétariat de l’AEWA est une petite équipe, composée d’une douzaine d’employés, tous dédiés, et je suis fier de les diriger. Toutefois, rien ne serait possible sans le soutien de nos Parties et partenaires. Pour la première fois en 10 ans, la MOP 7 de Durban en 2018 a adopté une augmentation du budget, même si elle est faible, mais c’est un signe d’espoir dans une période où les budgets sont tellement serrés. Cette augmentation nous a déjà permis d’en faire un peu plus, mais j’espère que ce n’est qu’un premier pas. 

Le mandat établi par les Parties nécessite clairement bien plus de ressources. L’AEWA est un outil entre les mains de ses Parties. L’outil est pertinent, efficace, mais dépend grandement, comme beaucoup d’autres, des ressources humaines et financières. Nous devons renforcer notre soutien au Comité technique de l’AEWA afin d’aider les membres à établir un programme de travail ambitieux. Nous devons réapprovisionner le Fonds des petites subventions de l’AEWA afin de soutenir nos partenaires de mise en œuvre ; nous devons examiner la conformité des législations nationales avec le texte de l’Accord et les résolutions adoptées à chaque MOP ; et nous devons soutenir davantage le Plan d’action de l’Afrique. Quelques donateurs généreux complètent leur contribution annuelle avec une contribution volontaire, qui soutient des projets qui font toute la différence. Je voudrais tous les remercier et espère voir la liste des donateurs s’agrandir (hyperlink here with our webpage). 

Les 25 premières années d’existence étaient excitantes ; travaillons tous ensemble afin d’en faire encore plus au cours des 25 prochaines années ! Tous les États de l’aire de répartition qui ne sont pas encore Parties sont invités à se joindre à l’effort collaboratif afin de soutenir la conservation des oiseaux d’eau le long de la voie de migration d’Afrique-Eurasie.

Dernière mise à jour le 19 Juin 2020