25 ans de l'AEWA - Déclaration de Øystein Størkersen, ancien président du Comité permanent de l'AEWA

L’AEWA est l’une de mes conventions préférées, tout simplement parce qu’elle traite de questions concrètes, telles que les espèces et les sites concrets, et qu’elle donne des orientations fortes par le biais d’exigences obligatoires. Je suis également heureux que l’AEWA ne craigne pas d’aborder les questions difficiles ou de donner des conseils sur la manière de résoudre les problèmes, notamment grâce à son personnel très actif et compétent. Grâce à sa capacité à s’adapter rapidement à l’évolution des problèmes, l’AEWA devient de plus en plus un traité visant à faire la différence. Cette réussite est notamment due à un réseau d’experts professionnels et de gestionnaires nationaux.

Les oiseaux sont une espèce phare ! J’ose même dire qu’aucun autre groupe d’espèces n’est mieux connu et étudié, mais aussi aimé par autant de personnes en voyageant à travers les continents. Dans un monde où l’industrialisation des paysages est croissante, avec des pertes de biodiversité à la clé, les oiseaux doivent affronter de nombreux obstacles et menaces. Celles qui pèsent sur leur survie sont bien plus nombreuses que ne le pense le politicien ou le citoyen moyen. En tant que biologiste, je considère comme un mystère la façon dont les oiseaux parviennent à faire face à toutes ces menaces pendant leurs voyages extrêmement longs et à trouver des endroits où ils peuvent réellement se nourrir et se réfugier. Rien d’étonnant à ce que nous ayons besoin d’une coopération internationale pour informer les gouvernements et le public afin qu’ils prennent des mesures pour protéger les oiseaux et leurs espaces de vie.

L’histoire sinistre de l’abattage inconsidéré des oiseaux, sans considération de leur état ou de leurs fonctions écologiques, tant pour l’environnement que pour les humains, est effroyable. Je crois que l’AEWA est devenu un rayon de lumière et d’espoir de plus en plus fort pour de nombreuses espèces d’oiseaux. L’AEWA a montré qu’il peut réellement œuvrer à la sauvegarde des oiseaux et de leur habitat, en utilisant les meilleures données scientifiques et la collaboration entre les pays.

En 2019, le rapport de l’IPBES sur l’état de la biodiversité dans le monde a marqué un tournant pour beaucoup. Ce rapport et celui particulièrement important du panel climatique de 2018 ont attiré l’attention des politiques, ce qui a donc amorcé quelque chose de nouveau. Ces deux rapports nous montrent que l’industrialisation de vastes paysages est un problème à la fois dans les pays dit développés et dans les pays en voie de développement. L’Assemblée générale de l’ONU nous a demandé à maintes reprises de changer nos pratiques, si nous voulons préserver le bon fonctionnement des écosystèmes et le bien-être des humains.

Nous vivons en effet une époque dramatique, avec une destruction sans précédent de l’environnement, l’augmentation des zoonoses qui en résulte et, en outre, les menaces du réchauffement climatique. Ces questions sont liées entre elles et la notion de « nature unique » a permis aux politiques et aux entreprises du monde entier, de reconnaître pour la première fois leur énorme impact négatif sur l’environnement et donc sur les générations futures. Les défenseurs de l’environnement se sont battus pendant de nombreuses décennies, comme en témoigne la publication du livre de Rachel Carson, « Printemps silencieux » en 1962. Malheureusement, la prise en compte du bien-être de l’environnement et des générations futures n’a pas été pendant longtemps un argument suffisamment fort pour modifier le comportement des politiques. La situation est en train de changer et les politiciens responsables ont compris ce que les défenseurs de l’environnement répètent depuis des années. Je pense que des instruments tels que l’AEWA sont bien placés pour prodiguer des conseils susceptibles d’avoir désormais plus d’impact.

Je me demande si les nombreuses résolutions et orientations de l’AEWA et de la CMS sur des sujets tels que les constructions linéaires, les éoliennes, l’empoisonnement au plomb et aux pesticides, la conservation des zones humides, le prélèvement durable de la faune, etc., peuvent être mises en œuvre de manière beaucoup plus efficace par les Parties. Parlons-nous la même langue ou devrions-nous changer de tactique ? Dans le monde, l’un des grands défis est le manque de collaboration internationale et de transfert du savoir-faire et des fonds vers les pays qui en ont besoin. C’est un défi que nous devons vraiment relever, car nous devons faire beaucoup plus que ce que nous faisons aujourd‘hui. De nombreuses initiatives en vue de nouveaux accords de conservation et d’une collaboration plus vaste entre des organisations influentes telles que la FAO, l’OMS, le PNUD et autres sont également nécessaires. Je suis également convaincu que les ONG professionnelles comme Wetlands International, BirdLife International et ses partenaires nationaux, et beaucoup d’autres encore, doivent désormais être écoutées, et leurs actions très efficaces soutenues bien davantage par les gouvernements.  

L’AEWA pourrait passer en revue le travail qu’elle a effectué au cours de ces 25 dernières années et éventuellement entreprendre un changement radical de son modus operandi. Qu’avons-nous fait jusqu’à présent, et devons-nous prescrire le même remède à l’avenir ? Comment maximiser l’utilisation de nos maigres ressources ? – En produisant plus de résolutions ? Personnellement, j’ai participé à de nombreuses conventions en tant que président, et je sais que les Parties et les politiques savent ce qu’ils doivent faire. Nous continuons néanmoins à consacrer beaucoup de temps à l’élaboration de nouvelles résolutions. Les objectifs de 2010, et maintenant de 2020, visant à stopper ou à ralentir la perte de biodiversité ont échoué et reflètent le manque de soutien des politiciens et des entreprises. Pouvons-nous espérer un changement vers 2030 et au-delà ? Je pense que cette fois, nous devons mettre en œuvre des changements factuels positifs dans le cadre pour la biodiversité prévu après 2020 par la CBD et la Décennie pour la restauration des écosystèmes 2021-2030 de l’ONU. Davantage de protection et beaucoup plus de restauration et de reconnaissance politique des besoins nécessaires pour aider réellement le travail de protection, au plan national et international, sont incontournables. À l’heure actuelle, il faut que les gouvernements, les OIG, les ONG et les Conventions repensent fortement ces questions. Il ne peut tout simplement plus être question du train-train habituel. 

 

Dernière mise à jour le 17 Juin 2020

Type: 
News item
Species group: 
Birds